Dead Space n’est pas une oeuvre majeure. Il ne l’a jamais été.
Dead Space, c’est un jeu extrêmement sympathique, bien ficelé, et qui venait donner un petit coup de main au genre du jeu d’horreur à une époque où Resident Evil commençait à sauter le requin, et Silent Hill était en décomposition, éparpillée dans les morgues de multiples pays occidentaux.
Le premier volet de cette série « multimédia » était maîtrisé, techniquement irréprochable et… relativement classique. Enfin, pour être exact, la technique d’élimination des ennemis ainsi que les armes utilisées par notre héros Isaac Clarke était relativement novatrice tandis que tout le reste versait plutôt dans l’hommage à des œuvres majeures.
Aujourd’hui, nous sommes donc en présence du remake d’un jeu solide, mais qui ne présentait qu’une originalité… alors la question est évidente, mais légitime : que gagne-t-on à jouer à ce remake ?

Tout d’abord, j’aimerais satisfaire mes troubles obsessionnels et parler des différences entre remakes, remasters et portages. Car pour moi, ce remake n’en est absolument pas un :
Un remake reprend, pour moi, une oeuvre et la transcende, la transforme. Le remake, c’est une oeuvre refaite, une nouvelle interprétation de celle-ci.
Dans le monde du film, reprendre le même film, le même objet, et l’adapter à des moyens techniques plus avancés (transfert d’un film noir et blanc vers de la couleur par exemple), ce n’est pas un remake, mais une remasterisation.
Pour la 594ème sortie de Star Wars ou de Matrix en Blu-Ray plutôt qu’en DVD en revanche, avec un petit upscale pour pas faire trop désordre et deux trois bonus en plus, on parlera simplement d’une nouvelle sortie.
Dans ma vision du sujet appliqué au jeu-vidéo, un remake serait la version Wii/PS360 de Goldeneye (Modern Warfighter) avec Daniel Craig, un remaster serait Demon’s Souls PS5, et la tonne de « remasters HD » qu’on se fade depuis… les consoles HD, ne seraient que de simples portages vers de nouvelles consoles, avec un petit upscale pour pas faire trop désordre, et deux trois bonus en plus.

Dead Space 2023, selon cette logique, est un remaster.

Ouais nan c’est joli hein, mais en 2008, l’original l’était aussi.

Parce que soyons francs, rien ne bouge dans cette version PS5/Xbox Series/PC bis.
Graphiquement, c’est effectivement plus beau. Le travail sur le son est très bon. L’histoire est très très légèrement modifiée afin de lancer une ou deux mauvaises pistes aux joueurs de la première version… mais voilà : la première version était déjà belle et le son était absolument parfait et flippant.
Le Dead Space original s’inspirait fortement d’Alien, d’Event Horizon et de The Thing, son ambiance et son histoire avaient déjà un goût de déjà-vu, mais il versait alors dans l’hommage. Aujourd’hui, ces deux éléments ne sauraient surprendre qui que ce soit, et tombent simplement dans la redite.
Pire encore, les altérations du scénario le rendent bancal puisque la contrainte est ici de ne surtout pas d’en changer les grandes lignes. À l’arrivée, nous avons une histoire poussive et des rebondissements tirés par les cheveux (le twist avec Nicole qui se paye le luxe de rendre la scène de fin complètement illogique par exemple, on en parle ?).
Notre héros Isaac, muet dans la version d’origine, se met à parler dans ce remaster. Le soucis, c’est que rien n’est fait dans les « dialogues » pour prendre en compte ce changement. Les personnages qui rythment le jeu parlent à Isaac, qui monologue en retour. Personne ne prend en compte ce qu’il dit, que ce soit du côté de ses alliés comme du côté de ses ennemis.
Bon, en soi, on s’en fout me direz-vous… mais que nenni !
Tout au long du jeu, ce bon vieux pépère Clarke ramasse des journaux audios ainsi que textuels. Toute l’interface du jeu étant intradiégétique (les journaux s’affichent via un lecteur holographique intégré à la combinaison d’Isaac), il écoute et lit ce que le joueur écoute et lit. Très immersif et universellement loué dans le titre original. Seulement, maintenant que Kiki parle, il se retrouve à demander avec surprise à ses collègues si l’église d’Unitologie est derrière les horribles événements qui transparaissent… après avoir lu une entrée de journal de trois pages sur l’implication de ladite église et traversé une salle de culte improvisée. J’ai beau rationaliser en me disant qu’il est follement con, ça me sort de l’immersion.

Si j’ai l’air de pinailler, gardons tout de même en tête que ces problèmes ont été rajoutés par cette nouvelle version, ils étaient tout à fait absents de l’originale.
La seule originalité que Dead Space avait à nous présenter à l’époque, c’était son gameplay nous forçant à la jouer minutieuse : pour vaincre plus facilement ses ennemis, il fallait utiliser les outils de l’ingénieur qui nous sert de protagoniste pour découper leurs membres.
C’était novateur en 2008, mais nous sommes en 2023 et quitte à nous resservir le même concept, pourquoi ne pas le pousser encore plus loin en faisant par exemple en sorte que les ennemis ne puissent pas mourrir et ne puissent qu’être complètement immobilisés par l’arrachage de tous les membres (oui, même celui auquel vous pensez) ? L’affichage de trop d’ennemis, qui resteraient en place au lieu de disparaître après leur mort, demanderait-il trop de ressources aux consoles actuelles ? Si c’est bien le cas, attendez peut-être une petite décennie de plus, pour votre remake.
Le déjà-vu l’est toujours, et la nouveauté le rejoint. C’en est presque triste.

Couper le bras d’un ennemi et le lui renvoyer à la tronche avec le module de télékinésie est toujours aussi fun qu’à l’époque. Et c’en devient presque problématique.

Est-ce à dire que le jeu ne vaut pas la peine d’être joué ? Non, évidemment.

Dead Space était un jeu magnifique, avec des jeux d’ombres fantastiques, une bande-son démoniaque, des phases en gravité zéro planantes (on fait ce qu’on peut), et tout ça, tout ce qui faisait de Dead Space un bon jeu, on le retrouve dans cette nouvelle version.
Dead Space est parfois spectaculaire, parfois stressant. Dead Space est attachant, jouissif, parfois bourrin. Dead Space est un plaisir. Un plaisir parfois diminué par les aspérités de sa nouvelle couche de peinture, évoquées plus haut, mais un plaisir tout de même.
Seulement… il n’est finalement que simplement porté à nos standards de 2023. Il était beau pour son époque, il l’est de nouveau pour la notre. Il était jouissif, il le reste…
C’est un rafraîchissement pas franchement utile pour les joueurs, avec quelque défauts en plus.

Les passages sans gravité, moins dirigés que dans le titre d’origine, sont aussi sympas que dans… Dead Space 2 ?

Dead Space est un jeu toujours très agréable, mêlant des éléments directement récupérés des années 200X dans un enrobage visant à ne pas faire honte en 202X. Il est beau, spectaculaire, fun, stressant, tout autant qu’il est gauche, tiré par les cheveux et pas follement inspiré.
Un joueur ayant connu l’original fera un joli petit voyage nostalgique mais qui, ne nous voilons pas trop la face, n’aura pas beaucoup plus d’intérêt que de relancer le jeu d’origine dans un esprit à la limite du rétro-gaming.
Le seul véritable intérêt est en vérité à chercher du côté d’EA, l’éditeur, qui voit certainement ici l’occasion de relancer une série qu’elle a menée droit dans le mur en la transformant en licence versant dans l’animé, le rail-shooter, les comics, et ayant culminé sur un épisode action-coop blindé de micro-transactions.
Cette version 2023 a fait grand bruit, mais ne figure pas dans la catégorie des indispensables comme la version iconique de 2008. Difficile de parler de mauvais choix quand il s’agit de choisir d’y jouer, mais il n’empêche qu’à part une bien belle remise à niveau graphique, les seules choses qu’elle introduit sont des incohérences diégétiques, scénaristiques et gameplaytistiques (laisse-moi néologiser, fils de morse).